De nouveau en cellule.

Nell continuait de pleurer sur Lucas, elle ne pouvait pas s'empêcher de le voir dans une flaque de sang, elle voulait remonter dans le temps, ne jamais eu avoir à faire à ce Galloway ni à l'autre... Ne pas avoir été enfermée, ne pas avoir du analyser les rêves d'un type dans le coma. Elle voulait sortir ! Elle n'en pouvait plus... Combien de temps allaient-ils encore rester comme ça ? La prochaine fois qu'Il se pointerait, elle l'endormirait et Lui ferait faire les pire cauchemars de sa vie. Elle lui montrerait, ce que c'était ! Elle le haïssait ! Elle qui n'avait jamais pensé de mal de personne, elle éprouvait contre cet homme - si on pouvait le qualifier de tel - une rage qui ne faisait que lui donner l'envie de se venger. Mais elle devait s'assurer de ne pas le rater... sinon ce serait Lucas qui paierait... Non ! Elle étouffa un sanglot et s'essuya les yeux. Lucas, mort, dans une flaque de sang. Non ! Ce fut là qu'elle entendit Galloway, son sang se glaça. Qu'allait-il lui demander cette fois ... ? Elle ne put pas le savoir qu'elle sentit Lucas la lâcher et la défendre. Son regard se posa droit devant, juste à temps pour voir Galloway, flottant dans l'air, qui se débattait. Elle sortit de sa cellule, en regardant s'il n'y avait personne d'autre. Puis elle se tourna vers son frère de coeur.

"Tu veux le tuer ?" demanda-t-elle d'un air innocent.

Ce n'était pas un reproche, ce n'était pas une incitation. Elle avait juste peur que si Galloway mourrait, Lucas aurait cela sur la conscience, et elle ne voulait pas qu'il s'en veuille pour un type aussi horrible. Elle se dit que si ça n'avait pas été le jeune homme, elle aurait été terrifiée par son pouvoir, mais là, il prenait sa défense, elle ne pouvait que l'en remercier. Il lui évitait d'avoir à replonger dans les souvenirs de Viktor, de refaire des rêves, de revoir tout cela. Elle regarda Lucas, inquiète, il fallait vite qu'ils s'échappent, ils ne pouvaient pas prendre le risque de rester longtemps, sinon elle était sûre qu'ils allaient se faire tuer pour de bon. Lucas, mort, dans une flaque de sang. Elle retint ses larmes, et
revint près de son grand frère. La panique, la douleur, la colère avaient formé une boule dans sa gorge, elle avait peur, et s'ils se faisaient à nouveau capturer ? Qu'adviendrait-il d'eux ?

"Merci de m'avoir défendue."

Lucas tremblait. Pas de rage, mais d'hésitation. Il ne pouvait pas faire ça. Pourtant Galloway l'avait bien mérité, mais il considérait que ce n'était pas une raison pour lui faire du mal, surtout pas pour le tuer. Il ne pouvait pas le tuer. Le doute s'immisça en lui, si, il pouvait bel et bien le faire. En tout cas, il en avait le pouvoir. Mais il ne le supporterait pas, même pour quelqu'un comme lui. D'ailleurs quand Nell s'approcha de lui pour lui demander s'il allait le tuer, il baissa la tête, grimaçant. Non, il ne le ferait pas. Surtout avec Nell près de lui.

« Je... non! »

Le fait que la jeune fille pense qu'il veuille le faire l'avait davantage troublé que sa pensée initiale qui avait été qu'il pouvait le faire. C'était étrange, mais elle avait plus d'effet sur lui que sa propre volonté. Seulement maintenant, il allait falloir sortir de là. Il prit Nell par la main et sortit de la cellule, y envoyant Galloway voltiger, non sans prendre soin de ne pas amortir sa chute à l'intérieur, même si celui-ci était retombé sur le lit de camp.

« On s'en va, dépêche-toi! »

Ses yeux d'aveugles dirigés on ne sait où, Lucas parvenait tout de même à diriger la fillette. Dans son esprit, il avait déjà visualisé les plans de l'étage, et savait à peu près comment passer au suivant, même si après, il ne savait pas s'ils seraient capables de franchir les gardes. Son doute grandit, et son coeur se mit à battre plus rapidement, tandis que l'alarme commençait à retentir derrière eux, devant eux, partout. Les gardes seraient bientôt là...

Nell sourit un quart de seconde. Elle qui aurait fait, en temps normal, tout un discours sur l'injustice qu'était de décider de la vie ou de la mort de quelqu'un alors qu'il était en position de faiblesse aurait abandonné toutes ses valeurs pour se venger de Galloway, sur le coup de la rage et de la haine, si elle avait été dans la possibilité de le faire. Elle était heureuse et satisfaite de voir que Lucas était beaucoup plus sage et fidèle à lui-même, qu'il avait plus de conscience et de maturité. Ce qui était normal... Il ne l'avait donc pas déçue, une fois de plus il lui prouvait qu'il était digne d'être un grand-frère, plus que son insouciante de soeur qui ne s'en faisait guère de savoir qu'elle était ici ou là. D'ailleurs, qu'était-elle devenue ? Est-ce qu'elle s'était préoccupée un temps soit peu de son absence ? Est-ce qu'elle l'avait défendue auprès de sa mère certainement ravie de constater la maison vidée de tous les monstres ? De toute façon, même si elle arrivait à sortir d'ici, la fillette ne retournerait jamais chez elles... A la limite, elle essaierait de retrouver son père, sinon elle se débrouillerait. Mais pas retourner chez sa mère. Non !

Elle sortit de ses pensées en sentant Lucas qui saisissait sa main... Elle n'était pas encore partie, il ne fallait donc pas qu'elle s'évade aussi loin dans ses rêves... Juste penser au moment présent. S'échapper. Faire vite. Il lui ordonna de se dépêcher. Dans sa tête, ses paroles raisonnaient durement. Comme si elle n'était pas capable de savoir quand il ne fallait pas traîner ! Merci, elle n'était pas idiote. Elle essaya de rattraper Lucas, mais il marchait plus vite qu'elle, tant et si bien qu'elle en venait presque à courir. Il était si sûr de lui, qu'on en aurait presque oublié qu'il n'y voyait rien à la base. Son pouvoir avait du lui servir à se rendre compte de l'espace qui l'entourait, Nell ne parvenait pas à comprendre comment cela pouvait marcher. L'alarme retentissait autour d'eux... peut-être que la vie de Galloway aurait bien fait de ne pas être épargnée, seul sacrifice pour leur liberté. Non.

*Pourquoi je deviens comme ça ? Pourquoi je pense comme ça ?*

Elle s'en voulut un peu, mais l'heure n'était pas aux reproches qu'elle pouvait se faire. Elle ne s'attarda donc pas sur ce nouveau sentiment qui lui faisait peur et continua d'être angoissée, mais cette fois vis à vis de leur évasion. Elle entendait des pas de course, on devait les chercher. Elle serra plus fort la main de Lucas, est-ce qu'ils allaient s'en sortir ? Est-ce qu'ils allaient être tués ? Est-ce qu'ils allaient être remis en cellule et utilisé ? Revoir les rêves de Viktor... revoir les cauchemars pendant ses moments de repos... revoir Lucas, mort, dans une flaque de sang. Non...

Lucas avait été à deux doigts de faire l'irréparable. L'aurait-il regretté ? *À droite...* Non. *À gauche.* Si, bien sur que si! Sa conscience ne l'aurait jamais plus laissé tranquille, et il n'aurait jamais plus pu se sentir bien nulle part, ni même penser à autre chose. Si Nell n'avait pas été là pour l'arrêter, le refaire prendre ses esprits juste à temps, qui sait ce qu'il serait advenu de Galloway. *Droite...* Car le moins que l'on puisse dire, c'était que son pouvoir était dangereux, surtout dans son état actuel. Fatigué, poussé à bout par leurs expériences et surtout, son désir de protéger la petite qui était injustement enfermé ici, avec lui, alors qu'elle aurait dû être à l'école, à râler sur ses tables de multiplication et ses problèmes de maths, ses dictées... Jouer... S'amuser... Mais certainement pas ça.

*Gauche, gauche, droite... On y est!*

Il savait que Nell avait du mal à le suivre, qu'il avançait sans doute trop vite pour elle. Mais il ne lâchait pas sa main, ne ralentissant pas afin qu'ils aient un maximum de chances de sortir. Pour l'instant, ils n'avaient croisé personne et cela, c'était grâce à son pouvoir. Il les sentait avant qu'ils ne s'approchent suffisamment près et il savait également que trois hommes armés les suivaient de près et qu'ils seraient bientôt là. Seulement devant eux, l'ascenseur. Et il n'était pas là, pour changer. Appuyant frénétiquement sur le bouton afin qu'il arrive, Lucas tentait de savoir qui serait là en premier. L'ascenseur ou les gardes ? Séparé respectivement par deux étages et trois couloirs... L'ascenseur, cependant, ne bougeait pas. Normal, l'alarme! Il aurait dû y penser avant! Trop occupé par son repérage spatial, il n'avait pas imaginer qu'il serait bloqué.

Lucas entraîna Nell dans les escaliers, espérant qu'elle arrive à le suivre. Il la fit passer devant elle, et tint la porte blindée fermée en attendant qu'elle ait pris un peu d'avance. Derrière, les gardes tambourinaient, tentant de l'ouvrir. Il lâcha soudainement tout, et usa de son pouvoir pour que la porte reparte violemment en arrière, entraînant deux des gardes qui tentaient d'ouvrir la porte, déstabilisant les deux autres qu'il envoya de même voler contre le mur du fond. Il prit alors une grande inspiration et se précipita dans les escaliers à la suite de la jeune fille, espérant qu'elle était montée le plus haut qu'elle pouvait.

Lucas ne voyait pas que Nell était essoufflée par leur course lorsqu'il la rejoignit dans les escaliers. Ce n'est que lorsqu'elle s'arrêta qu'il se rendit compte qu'il lui en avait sans trop demandé. Elle était jeune, sans doute pas habituée à courir comme une dératée pour sauver sa vie, surtout pas poursuivie par des militaires. Et en plus, ça faisait déjà un moment qu'ils étaient enfermés là, sans rien pour qu'ils gardent la forme. Il se rendit compte également que lui aussi était essoufflée et que, dans sa panique à échapper à leurs poursuivants, il n'avait pas fait attention. S'ils avaient continué ainsi, à ce rythme, ils n'auraient pas tenu bien longtemps à côté de militaires entraînés.

« Désolé Nell... mais faut vraiment qu'on avance. J'vois pas comment s'en sortir autrement. »

Il songea un instant à la porter, mais il n'aurait pas pu, de toute façon, le faire longtemps. Il monta de quelques marches, comme cherchant une issue. On entendait la course régulière des soldats dans les escaliers, encore suffisamment éloignés pour qu'ils puissent souffler une seconde, mais pas plus. Un peu plus haut, il y avait une porte. Lucas ne savait pas où elle débouchait, ni à quel étage ils étaient. Mais il allait falloir s'en contenter. Lucas revint sur ses pas et manqua de s'effondrer, sentant soudainement la fatigue s'emparer de lui. Il avait sans doute trop forcé durant la course, alors qu'ils n'avaient pas fait de sport depuis déjà longtemps. Se rattrapant au mur, il se plaqua la main sur le front, comme pour reprendre le contrôle.

« Nell, viens y a une sortie là... par là... »

Sa voix se fit plus faible, et il se laissa tomber le long du mur. Ainsi, il retrouva les marches, le haut, le bas... mais il ne voyait plus rien. Son esprit semblait sombrer petit à petit et il réalisa alors. Seulement il n'arrivait plus à penser correctement, déjà à demi dans les vapes. Lucas tentait de se concentrer, de reprendre le dessus sur cette fatigue qui l'envahissait, seulement il n'y parvenait pas. Il essayait de retrouver sa vision particulière, mais sans succès. Plus bas, des voix d'hommes semblaient s'énerver contre leurs camarades qui ralentissaient, puis commencèrent petit à petit à se sentir pareil. Un son, l'un d'eux venait probablement de s'écrouler...

Lorsque Nell cessa d'utiliser son pouvoir, Lucas le sut immédiatement. Lui qui se sentait partir quelques instants auparavant, sentit le poids qu'il avait sur son esprit s'élever, mais il ne pouvait cependant toujours pas bouger. Sa tête lui pesait, son esprit était brumeux. Il entendit Nell, vaguement, de loin... Ce n'était pas le moment, il devait se lever. Il pouvait y parvenir. Seulement... il ne savait plus où il était exactement. Ses repères s'étaient brisés, comme si la lumière s'était éteinte. Nell le tira et il fut surpris de se sentir soulevé, même si ce n'était qu'à quelques millimètres du sol. Il ne parvint toutefois pas à l'aider, ni à se relever.

« Nell... »

Un murmure... Lucas n'était toujours pas lui même. Du moins, pas totalement, car il parvenait encore à s'inquiéter pour la jeune mutante. Cependant son pouvoir, qui était de type mental, l'avait rendu plus résistant à ce genre de choses, c'était la raison pour laquelle il n'était pas tombé comme les autres soldats, en bas. Mais ce n'était pas pour autant qu'il n'en ressentait pas les effets. Un peu plus, et Nell serait effectivement parvenue à entrer dans son rêve, qui aurait été obscur et quelques peu chaotique.

Après quelques longs instants d'effort de la part des deux mutants, Lucas parvint enfin à se remettre debout, manquant de trébucher et de s'étaler dans les escaliers. Il s'était rattrapé à Nell, ainsi qu'au mur, juste à temps. Repérant le bord des marches avec ses pieds, il sut quelle direction prendre pour retrouver la sortie.

« Par là, la porte. Je ne sais pas où ça va mais faut essayer. On peut pas continuer à monter indéfiniment, faudrait savoir où on est. »

Sa voix avait reprit de l'assurance, même si lui semblait être un peu en équilibre sur ses jambes. Lorsqu'il voulut lui montrer la direction de la porte, il le fit approximativement, rapidement, d'un geste qui laissait à désirer niveau précision. La vérité, c'était qu'en ce moment, il était véritablement aveugle. Et il n'en avait plus l'habitude. Son pouvoir avait été comme un sens, pour combler celui de la vue et il avait des difficultés à s'en passer. Lucas recommença à grimper les marches, pour arriver au niveau de la porte.

Là, il l'ouvrit doucement, tentant de percevoir à l'ouïe le moindre son, la moindre anomalie. Il n'entendit rien. Sur la porte qu'ils venaient de franchir, un chiffre inscrit en rouge indiquait ' -2 '. Seulement pour le voir, il fallait en être capable, mais également penser à se retourner.

« Tu vois un panneau ? Ou quelque chose avec le niveau ? »

Nell... seul mot qu'il prononça. Elle continua à essayer de le soulever, en usant de toutes les forces qui lui restaient. Mais elle sentit soudain ses bras la lancer, alors elle arrêta. Lucas avait besoin de souffler un peu, elle s'agenouilla devant lui. Elle se doutait qu'il ne pouvait plus la 'voir' puisqu'il ne fit aucun geste vers elle. Elle lui caressa la joue et descendit sa petite main le long de son bras jusqu'à attraper à nouveau son grand-frère par la main. Elle saisit l'autre et se releva. Là, elle recommença à forcer pour le soulever. Intérieurement, elle espérait qu'il se levât, plus elle essayait de l'amener à elle, plus elle avait le sentiment qu'elle allait y parvenir. Il ne fallait pas renoncer maintenant. Elle sentait encore la douleur dans ses épaules et ses avant bras, mais elle ne lâchait pas Lucas. Elle se sentait coupable de leur situation actuelle, mais surtout elle ne voulait pas voir la vision de son rêve devenir réelle... Jamais.

*Allez Lucas... on peut pas finir ici ! Juste à cause de moi ... juste parce que ... j'ai fait l'erreur ...*

La fillette le sentit soudain devenir plus léger : il se relevait peu à peu. Difficilement... Il perdit l'équilibre et se rattrapa à elle, elle faisait en sorte de le tenir. Quand il parvint à rester debout sans risque de tomber, elle le lâcha et s'étira. Elle avait très mal aux bras, elle était très fatiguée et elle ne sentait plus ses jambes, sa tête tournait, mais sa vision était redevenue à peu près normale. Elle reprit la main de Lucas quand il lui dit de passer par la porte. Oui, elle l'avait vue aussi. Elle-même pensait effectivement que monter sans arrêt ne servirait à rien, surtout qu'ils n'avaient aucune idée de l'endroit où ils se trouvaient. Même s'il n'avait aucun repère, Lucas restait celui qui commandait, qui guidait la petite fille. Normal, elle était d'au moins une dizaine d'années plus jeune et puis il était d'une grande sagesse, même si elle n'était pas du genre à l'avouer, Nell l'admirait beaucoup. Etrange pour quelqu'un qu'elle ne connaissait que depuis peu.. Etrange qu'il fut comme un grand-frère pour elle, étrange cette façon dont elle lui avait fait confiance aussi rapidement, elle qui se liait difficilement.

*Magda en serait folle de jalousie ...*

Elle s'arrêta de penser à des détails inutiles et reprit sa route, franchit la porte et Lucas lui demanda s'il y avait des panneaux. Nell regarda autour d'elle, au plafond, sur la porte. Moins deux ? Ils n'étaient qu'au niveau moins deux ? Mais... avec tout ce qu'ils avaient monté ! Contrariée, elle essaya de distinguer d'autres indications, mais rien. Qu'est-ce qu'il y avait à cet étage ? D'autres personnes ... ? Non, sinon Lucas s'en serait rendu compte, son pouvoir était peut-être inactif, mais pas ses sens. Le plus simple était de lui dire ce qu'elle avait vu, il déciderait ensuite. Elle se mit sur la pointe des pieds mais eut du mal à atteindre son oreille, elle chuchota du plus doucement qu'elle put :

"On est au moins deux. Aucune autre explication, soit c'est top secret et super bizarre ce qu'il se passe ici... soit c'est pas important. On fait quoi ?"

Finance, comptabilité, gestion... c'était les mots que Nell put voir en tournant sur elle-même, en observant les portes des bureaux. Soit rien de bien intéressant. De plus, derrière une vitre qui les séparait de l'un des bureaux, elle pu voir un coffre fort. Donc toute la paperasse devait y être entassée, pour plus de sécurité. Ce qu'elle ne saura jamais par contre, c'était que cette vitre était blindée. De toute façon, quelle importance ? Il n'avait rien à faire ici. Tout avait été rangé lorsque l'alarme s'était déclenchée, entraînement, exercice d'intrusion, d'incendie, ou tout ce qui était important était soit effacé, soit détruit, soit mis en lieux sûr, suivant la situation. Dans le cas présent, tout avait plutôt dû être bien rangé lorsque l'alarme s'était déclenché, avec le code évasion à la clé.

Car à priori, des évadés ne cherchent pas à voler des documents, non, ils cherchent plutôt à s'enfuir. Et effectivement, c'était tout ce que Lucas avait en tête. Sortir. Il ne voyait qu'une option, prendre les escaliers et continuer de monter. Encore deux étages, et ils seraient au niveau de la mer, soit enfin ailleurs que six pieds sous terre. En restant là, ils ne pourraient jamais partir. Mais ils seraient certainement attendus, plus haut, et la sortie risquait de ne pas être si aisée.

« Bon Nell... Je ne vois qu'un moyen, c'est monter encore de deux étages. Mais ils doivent nous attendre là haut. On va avoir droit à tous les gardes présents, c'est sûr... »

Lucas hésitait. Visiblement, il avait une idée en tête, mais il ne pouvait se résigner à l'employer. Tous étaient réunis là-haut... alors, il lui suffirait de rester là... non. Il secoua la tête et fit quelques pas, s'arrêtant lorsque sa main légèrement en avant de lui rencontra un obstacle, la vitre. Il ne parvenait toujours pas à voir... Forçant, comme s'il tentait de se souvenir de quelque chose qu'il avait oublié, pour ne pas l'avoir utilisé depuis bien trop longtemps, il tentait de 'voir'. Après un moment, il eut une sorte de flash qui ne dura malheureusement pas, lui indiquant brièvement la porte, les murs, la vitre, et le coffre. Soit tout ce qui était suffisamment dense pour être facilement repérable dans l'espace. Mais cela ne suffirait pas. Il se tourna vers Nell.

« J'ai bien une idée, mais tu n'es pas obligée. On devrait pouvoir trouver une autre issue, sauf si tu t'en sens capable... Si on monte, ils seront là pour nous tomber dessus. Sauf s'ils dorment... Je pense qu'en restant ici, je ne serais pas affecté par ton pouvoir et toi de derrière la porte, du devrait pouvoir le faire sans danger... Mais c'est risqué et je ne veux pas te faire prendre ce risque... Oublie ça on va trouver un autre moyen. »

Laissant son idée comme elle était venue, Lucas fit quelques pas prudents en direction de la porte, l'ouvrit, écouta, puis la franchit, attendant que Nell le suive. Non il ne pouvait pas lui demander d'essayer de faire ça. Il ne se reconnaissait plus dans cette situation. Peut-être était-ce car il ne pensait qu'à une chose, sortir de là, avec Nell, sains et saufs, et tenter de vivre. Peut-être...tenter de la retrouver... ce n'était pas le moment de penser à ça.

Nell s'appuya contre le mur, mais n'y resta que deux secondes, après elle se remit à faire des pas qui menaient nulle part, juste pour s'occuper. Juste pour réfléchir... Bien sûr, tout le monde devait les attendre en haut, de toute façon ils ne pouvaient partir que par là. Logique, les militaires s'étaient placés plus stratégiquement : pour les empêcher de partir. Tout ça pour eux deux... C'était tellement démesuré ! Au début, ils n'étaient que deux newyorkais parmi tant d'autres, avec une particularité, soit, mais dont ils ne s'étaient jamais servie pour causer du tort à quelqu'un. Pourquoi eux ? Pourquoi tous ces moyens déployés pour... seulement eux. Il y en avait eu d'autres, avant, mais on le leur avait dit : ils n'étaient plus que deux. Deux malheureuses personnes qui n'auraient pas fait de mal à qui que ce fut, avant ça. Maintenant, Nell n'était plus sûre de rien, elle avait accumulé tant de haine et tant de tristesse qu'elle ne savait plus si elle ressemblait à la petite fille d'autrefois. Elle n'avait même plus envie d'y réfléchir, elle n'avait même plus envie de rien d'ailleurs. Une fois partie d'ici, que ferait-elle ?

*Ce n'est pas le moment. Concentre-toi sur ton échappatoire.*

Elle comprit de suite ce à quoi pensait Lucas, pour la bonne raison qu'elle imaginait la même chose. Dès qu'il dit "tu n'es pas obligée", elle sut qu'elle allait devoir endormir tout le monde et elle sut qu'elle allait le faire. Elle voulait vraiment les sortir de là, elle voulait partir, son grand-frère lui disait qu'il allait trouver un autre moyen, mais lequel ? Sortir, se faire tirer dessus ... Lucas, mort, ... non !!! Aucune chance.... Tout ne se déroulerait pas d'une façon aussi tragique. Elle pouvait les endormir, du moins le plus possible. Restait juste à savoir comment elle pouvait le prévenir quand il devrait monter : elle ne supporterait sans doute pas d'utiliser autant son pouvoir, au mieux elle resterait bloquée dans le rêve d'un de ces hommes, au pire elle serait complètement inconsciente et vidée de toute son énergie, voire morte. Elle se sentait déjà fatiguée à l'extrême, mais ne voulait pas faillir. Pour Lucas. Pour pouvoir sortir d'ici.

"Allez, ça marche. Je fais ça. Si t'as pas de nouvelles de moi dans deux minutes, on fait comment ? Faudra que tu vérifies s'ils sont tous endormis en fait. Bon allez je le fais. De toute façon, il n'y a pas trente-six solutions et même s'il y en avait autant, nous n'aurions pas le temps d'y penser, celle là est la plus simple sans aucun doute. Ne t'inquiète pas, je suis parfaitement consciente de ce que je fais."

*Ce n'est pas sans crainte d'ailleurs, mais si je lui dit ce dont j'ai peur - quoiqu'il doit l'avoir compris - il va s'angoisser et on va devoir trouver une autre solution.*

Elle n'avait pas envie de réfléchir plus. Elle qui prenait habituellement le temps de tout bien analyser, elle préférait cette fois se lancer dans quelque chose dont elle n'était même pas sûre de la réussite. C'était parfaitement idiot, c'était prendre des risques pour rien. Non, pas pour rien, il y avait tout de même quelques chances de réussites. Elle commença à monter les marches en courant mais avant de perdre Lucas de vue, elle lui dit :

"Pense à moi ... comme tu fais ... pour me 'voir'. J'ai confiance ! Je t'aime ... Grand frère."

Sa dernière phrase fit faire un bond à son coeur, jamais elle n'aurait prononcé aussi explicitement ce qu'elle ressentait si elle n'avait pas eu aussi peur de la tournure des choses. Si elle ne le revoyait plus ... Si ... Non, ne pas penser à ça ! Elle lui fit un sourire peu assuré, inquiet, triste et plein de regrets, mais reprit sa route. Regrets qu'elle ressentait déjà par son pessimisme naturel... si seulement elle avait eu plus de temps pour rester avec Lucas... Non, pas penser à ça ! Plus elle approchait du niveau zéro, plus sa gorge se nouait. Elle tenta de se détendre, il ne fallait pas qu'elle angoisse, sinon elle ne pourrait pas arriver à faire ce qu'elle voulait. Quand elle vit enfin la porte donnant sur la sortie de la cage d'escaliers, elle l'ouvrit. Sans même prendre la peine de voir s'il y avait quelqu'un, elle commença à utiliser son pouvoir, le plus qu'elle pouvait, il fallait faire vite. Elle n'allait pas non plus attendre qu'on fut face à elle avec une arme pour agir !

Lucas tenait Nell dans ses bras. Pourquoi ? Pourquoi l'avait-il laissée faire ça ? Il s'en voulait à présent et en même temps lui en était reconnaissant. Seulement il n'aurait jamais dû lui demander ça. Maintenant, elle était là, inerte, sans qu'il ne sut dire si elle allait pouvoir s'en remettre un jour. Il se sentait lâche, lâche de lui avoir demandé une chose impossible. Et faible aussi. Faible de ne pas être parvenu à trouver une autre solution avant que la petite fille ne franchisse le seuil de la porte en lui disant qu'elle allait le faire, qu'elle pouvait y arriver, et de rester en arrière.

Quelques minutes auparavant, Nell l'avait rattrapé en déclarant pouvoir le faire. Il s'était retourné, hésitant. L'avait laissée parler. Mais il n'y avait pas d'autres options. Il l'avait alors laissée, franchissant la porte qui menait aux bureaux de comptabilité du niveau moins deux, sans qu'il ne sut quelle force le poussait à refermer doucement la porte derrière lui tandis que la jeune fille montait les marches la séparant de l'enfer. Il faillit plusieurs fois l'ouvrir, en proie à un conflit intérieur. Sa conscience de le laissait plus tranquille, de même que cette inquiétude qui lui tordait les boyaux dans tous les sens. Pourquoi l'avoir laissée monter ? Parce qu'il n'avait pas le choix. Il ne cessait de se répéter la même chose et deux bonnes minutes s'écoulèrent comme si cela faisait déjà une heure.

Lucas ouvrit finalement la porte, tentant de capter une quelconque présence, ou au contraire un signe d'affaiblissement. Mais il ne sentait rien. Ni fatigue, ni présence. Il monta petit à petit les marches mentalement et arriva devant la porte. Il sentit alors que son pouvoir lui était en partie revenu, bien qu'encore hésitant, il reconnaissait timidement les corps écroulés par terre. Il y en avait peut-être 6 ou 8... Où était Nell ? Il la chercha, sans comprendre ou est-ce qu'elle avait bien pu passer. Toujours est-il qu'il n'y avait plus de soldat alerté à cet étage.

Prenant une profonde inspiration, Lucas franchit la porte et commença à monter les marches en courant. Une intuition... un mauvais pressentiment. Il arriva devant la porte, en partie refermée et la poussa doucement. Il n'y avait désormais plus d'obstacle, et il lui était plus facile d'identifier mentalement la scène. 2, 4, 6, 7... 7 ? Lucas s'arrêta sur le dernier, plus petit. Nell. Aisément reconnaissable parmi ces corps pleins de muscles et de carrure plus qu'imposante.

Il se précipita, la prit dans ses bras. Elle respirait, il le sentait. Il sentait également son cœur battre, par son pouvoir. Mais elle n'était plus là... Il observa les hommes, se demandant dans lequel elle avait bien pu se perdre. Il fallait qu'elle se réveille. Que ferait-il s'il se savait responsable de son cauchemar ?



Nell se voyait dans le rêve du type, le premier, celui qui avait fait feu... Car Lucas ne l'avait pas remarqué, mais le mur derrière la jeune fille était criblé de balles, ainsi que le plafond. Heureusement que son pouvoir l'avait déstabilisé avant qu'il n'ait le temps de viser correctement, sinon ce n'est pas un corps endormi que Lucas aurait trouvé, mais bien un corps de jeune fille ensanglanté, dont l'esprit aurait quitté ce monde.

L'homme, quant à lui, se retrouva entraîné avec Nell. Il semblait éveillé dans son rêve et sans doute qu'en se réveillant il le trouverait plus que réaliste. Autour d'eux, tout était blanc, lui tenait son arme, Nell se trouvait en face, il la tenait en joug. Il regarda autour de lui, sans comprendre, l'air ahuri. Puis il regarda Nell d'un regard transperçant, comme s'il savait que tout venait d'elle. Que c'était cette chose en face de lui qui l'avait traîné contre son gré dans ce lieu étrange. Il la visa...

Nell ne saurait jamais que cette homme, auparavant, était l'un de ceux les plus réticents à garder enfermer ici des mutants. Mais il fallait obéir aux ordres. Il n'avait pas le choix s'il voulait rester dans l'armée, garder son métier et son honneur de servir son pays intact. Maintenant, il était celui qui, apeuré, n'avait pas d'autre moyen.

... et il tira.



Nell se réveilla en sursaut, sans savoir où elle se trouvait. C'était en mouvement, en tout cas... comme dans une voiture... Elle était allongée sur les sièges arrières, et Lucas était au dessus d'elle. Comment ? Il lui fallu un moment pour réaliser qu'en faite, elle avait la tête posée sur ses genoux. Et que quelqu'un d'autre conduisait...

Inquiet, Lucas regardait Nell dormir. Son sommeil avait l'air si paisible extérieurement... pourtant ce n'était pas le cas, et il s'en doutait. Mais il ne pouvait rien faire afin d'arranger les choses. Si elle était comme ça désormais, c'était de sa faute. Il n'aurait jamais dû...

« Arrête de te torturer l'esprit Lucas. Vous n'aviez pas le choix et elle le savait aussi bien que toi. »

Lucas tourna la tête, prenant l'allure de quelqu'un qui regardait au dehors. Mais il ne voyait pas. Il sentait la vitre, contre sa tête, mais n'avait aucune idée du lieu dans lequel ils se trouvaient. Tout semblait si désert ici... et le mouvement l'empêchait d'utiliser efficacement son pouvoir. C'était l'une des autres causes de ses préoccupations. Nell, et son pouvoir. Pour le moment, il n'avait d'autre choix que de lui faire confiance, et cela le troublait. Il n'avait plus aucun de se défendre, trop épuisé pour combattre encore. Et puis il y avait Nell, il était hors de question qu'il l'abandonne.

Mais cet homme... il semblait tout savoir. Il était là au moment précis où Lucas était sorti avec Nell dans les bras. Il les avait emmenés, il semblait savoir ce qu'il s'était passé peut-être mieux qu'eux-même et maintenant il lui parlait comme s'il le connaissait depuis longtemps, connaissant ses impressions quant à la situation, à ses sentiments eux-même. Et son prénom également.

À cause des mouvements de la voiture, Lucas ne sentit pas que Nell s'était réveillée. Et tandis qu'elle retrouvait ses esprits et étudiait sa position, il ne pensait plus qu'à trouver un moyen de la sortir de son rêve... mais il ne voyait pas de bonne technique. Il avait déjà dépassé le stade de l'espoir qu'elle se réveille seule, naturellement. Et pourtant...
Lucas sursauta. Nell venait de se redresser brutalement, contre toute attente. Il n'en revenait pas. Il la sentit bouger à côté d'elle, tenter de reprendre son souffle.

« Nell! Nell calme-toi, respire, je suis là on est sortis, tout va bien... Grâce à toi... »

La jeune fille se cramponna à lui, comme si elle revenait de loin et ne voulait y retourner pour rien au monde. Il fit de même, tentant de la rassurer du mieux qu'il pouvait. Après un moment et un effort conséquent semblait-il, Nell s'écarta légèrement pour comprendre ce qu'il s'était passé.

« On est sortis... c'est tout ce qui compte. Il nous emmène en ville, c'est grâce à lui qu'on est enfin loin de cet endroit... »

Lucas, encore sous le choc du retour brutal de Nell, ne répondit pas davantage à ses interrogations. Cela ne semblait pas être volontaire, mais le mystère concernant l'histoire de l'homme qui les conduisait restait entier...

Lucas sentit le regard de Nell se poser sur lui. C'était ce genre d'intuition que l'on a parfois d'être observé. De plus, elle avait la tête tournée vers lui, mais elle venait également de se reculer un peu. Sans s'en rendre compte, ce geste l'avait blessé. Sa culpabilité n'en était que plus grande... entre le fait qu'il l'ait envoyée vers la mort, car même si elle s'en était sortie il considérait toujours que c'était de la folie, et le fait qu'il avait suivit l'homme sans protester, il se sentait responsable de tout ce qu'il leur arrivait. Seulement il n'avait pas vu d'autre moyen. Dehors, tout était désertique. Nell allait mal et il ne savait combien de temps il aurait été capable de marcher en portant la jeune fille, ni même dans quelle direction, avant d'atteindre la première ville.

Le trajet dura une bonne demi-heure, pendant laquelle l'ambiance se fit de plus en plus tendue. Pourtant, Lucas ne ressentait pas de réelle crainte envers leur chauffeur. Seulement un sentiment de curiosité et de respect mêlé. Il ne savait pas quoi dire à Nell, et préféra se taire un moment. Ils étaient au calme... sans crainte que Galloway leur retombe dessus pour leur demander de faire encore quelques tests pour lui. Mais cette absence de crainte l'inquiétait... il ne savait toujours pas qui ils avaient en face d'eux, ni par quel moyen il avait su que les deux jeunes captifs allaient parvenir à s'échapper ce jour et à une heure bien précise. En effet, il était arrivé à temps et ne semblait avoir attendu des heures dans les environs. Non. Il savait.

À l'entrée de la ville, Lucas se sentit submergé par l'agitation qui y régnait et cela lui redonna du baume au cœur. Depuis quand n'avait-il pas été en présence d'autre personne que Nell et les médecins du centre ? Une éternité...

« Quel jour on est ? »

Cette phrase lui avait soudain échappé. Lucas avait complètement perdu la notion du temps, enfermé dans ces sous-sols sombres. Le temps semblait correct, même s'il ne faisait pas très chaud, sans doute un temps intermédiaire de deux saisons... peut-être le printemps, ou l'automne...

« C'est vrai que ça fait un moment que vous n'êtes pas sortis... On est le 17 septembre, mercredi. On arrive. »

Il tourna le volant pour effectuer un magnifique créneau dans une place deux fois plus grande que la voiture et éteignit le moteur. Ouvrant sa portière, il jeta un coup d'œil dans le rétroviseur afin de voir ses deux trouvailles de la journée, puis descendit. Il leur ouvrit ensuite la portière, les invitant à le suivre. Devant eux, il y avait une petite maison d'allure peu entretenue, mais correcte. Ils montèrent quelques marches et il leur ouvrit la porte, les invitant à le suivre dans une pièce circulaire qui faisait office d'entrée, puis se tourna vers eux.

« Vous devez être bien fatigués pour m'avoir suivi ici sans poser de question... Ne vous en faites pas, je suis réellement venu vous tirer de là. Tant que vous étiez en sous sol je ne pouvais rien faire, mais j'ai su que vous alliez vous échapper aujourd'hui. C'est pourquoi j'étais là. »

Lucas eut l'air incrédule, car il n'avait pas prémédité cette évasion. Ce n'avait été qu'à cause de Galloway qu'il avait usé de son pouvoir à son encontre. Mais l'homme ne leur laissa pas le temps de poser de question immédiatement après ses dires.

« Au fait je ne me suis pas présenté, je suis Mike Ferrel. Je me suis déjà occupé de quelques mutants, qui ont désormais repris une vie normale. Enfin, avec leur capacité. »

Un rond sur la paume de sa main qui perdait de sa forme circulaire pour s'enrouler formant une volute parfaite, puis qui descendait sur ses poignets en formant des gouttes de pluie ou des larmes... Non. Elle effaça de son autre main, puis reprit à son espèce d'escargot. Cette fois, ce fut des rayon qui partaient vers le haut qu'elle dessina. Ils arrivaient en haut de ses doigts et s'enroulaient autour, puis elle les faisait tous se rejoindre sur le dos de sa main. Là, ils s'enroulaient entre eux et repartaient dans tous les sens en formant des boucles qui devenaient des pétales... Si elle avait eu une feuille de papier et un crayon, là elle aurait ombragé ce qu'elle avait dessiné : ajouté du relief à ces formes imprécise. Mais elle n'avait que ses bras et son imagination. Pourtant elle y mettait tellement de coeur ! Non, on ne pouvait pas l'empêcher de dessiner, même en lui retirant le matériel habituel du dessinateur. Tant qu'elle avait sa tête, elle faisait ce qu'elle voulait ! Finalement, c'était plus l'acte d'inventer, de composer quelque chose qui la fascinait que d'en voir la retranscription matérielle. D'ailleurs, cela enlevait tout le charme à ses pensées : une fois rendu concret, ce qu'elle imaginait n'était plus du domaine du rêve et de l'irréel, elle préférait penser que voir. Artiste insatisfaite, elle comprit pourquoi elle n'arrivait jamais à être convaincue par ses oeuvres.

Nell sentait bien que l'ambiance se dégradait de plus en plus et dès l'instant où elle arrêta de se concentrer sur son oeuvre d'art, elle revit les images qui la perturbaient. Voila pourquoi elle avait envie de se perdre dans son imagination et dans l'irréalité de son dessin, car elle savait que dès l'instant où elle revenait dans le monde de tous, elle reprenait tous ses soucis, toutes ses angoisses... Qui était-il ? Elle se reposa la question. Pourquoi Lucas ne parlait plus ? Tout était devenu si froid ... personne ne disait mot, comme si tous pensaient mais n'osaient dire. Ce n'était pas la fillette qui allait faire le premier pas. Ou comme si tous s'en voulaient mutuellement ... Elle n'en voulait à personne. Mais à ce moment précis, alors que plus personne n'était proche, elle avait envie de quitter ce monde à nouveau. Elle ferma les yeux, voulant s'endormir, mais quand elle entendit le bruit au dehors, elle comprit que la ville était là. Ils étaient revenus. Elle regarda par la fenêtre, il y avait foule. Elle avait oublié comme New York était insupportable, tellement les rues étaient bondées ! Dans son esprit, ce n'était devenu plus qu'un détail, mais elle reprit ses esprits quand elle vit tout ce monde. Néanmoins, ils continuèrent leur route.

Pendant que Lucas et le conducteur discutaient du jour qu'il était, la rouquine observait les gens. Heureusement qu'elle n'était pas dans son quartier sinon elle ne l'aurait pas supporté. Revoir des personnes connues l'aurait horrifiée, là il n'y avait que des personnes sans importance. Ici, une femme avec un landau, là-bas deux garçons qui jouaient au foot. Ils venaient de casser une vitre. Les gens ne valaient vraiment pas la peine d'être connus ! Dans un long soupir, la fillette se remit comme elle était et sentit que la voiture s'arrêtait. On les faisait sortir. Elle hésitait à les suivre dans cette maison mais Lucas y allait bien, lui. Elle agrippa ses vêtements puis son bras et se laissa entraîner à l'intérieur. Là, le conducteur dont elle put enfin voir le visage leur annonça qu'il savait qu'ils allaient s'échapper aujourd'hui. Comment ... ? Lucas ! L'autre continua de raconter sa vie, d'accord il s'appelait Mike Ferrel, c'était à noter. Quand au reste, Nell n'en avait pas grand chose à faire. A peine eut-il fini qu'elle enchaîna, comme un reproche :

"Pourquoi tu m'as pas dit que t'avais tout prévu, Lucas ?"

Elle le lâcha et ajouta, l'air complètement démotivé :

"Pff non laisse tomber. T'façon j'vois même pas ce que je fais ici. Merci pour tout, je retrouverai mon chemin maintenant."

Elle baissa les yeux et se dirigea vers la porte. Si on l'empêchait de partir, elle utiliserait son pouvoir. Même si c'était Lucas. Elle n'en avait plus rien à faire. Pourquoi tout le monde la considérait toujours comme une enfant qui ne savait rien ? Elle était plus intelligente que cette bande de gamins qui cassaient des vitres ! Elle savait réfléchir et penser, alors pourquoi on continuait à faire comme si elle ne comprenait rien ? Elle pensait qu'il était différent ... Elle s'était trompée, elle posa la main sur la poignée et ouvrit son passage vers la sortie.[i]

Piégé, Lucas ne trouva rien à répondre. Entre cet homme, ce Mike Ferrel qui semblait tout savoir, et Nell qui lui en voulait de ne pas l'avoir prévenu de quelque chose qu'il ignorait lui même, il était perdu. Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Comment pouvait-il être au courant de leur évasion ? Son esprit tentait de connecter les éventuels liens entre lui, Nell, Mike, Galloway et le reste de la base militaire. La seule chose qui lui vint à l'esprit lui sembla si tirée par les cheveux qu'il en abandonna bien vite l'idée, de peur de devenir paranoïaque. Comme si les militaires étaient assez futés pour prévoir leur évasion en leur mettant à disposition une voiture avec un type faisant semblant d'être sympa, tout ça pour les piéger et les ramener ensuite. Non. Ce n'était pas possible. Lucas avait envie de lui faire confiance et il ne pouvait imaginer que les militaires osent usé d'une autre forme d'intelligence quelconque, autre que la violence et les stratagèmes militaires.

Mais il ne pensait cela qu'à cause de cette pitié qu'il portait en lui à leur encontre. Car malgré tout ce qu'ils leur avaient fait, il ne les haïssait pas. Non, ce n'était pas dans sa nature. Même si, au premier abord, cela pouvait en avoir l'air, ça ne l'était pas. Après réflexion il parvenait toujours à minimiser l'effet que cela avait eu sur lui.

« Nell attends ! »

La jeune fille avait déjà la main sur la poignée, prête à partir. Pour aller où ? Il pensait qu'elle ne devait même pas le savoir elle-même. Car il ne savait pas qu'elle avait vécu ici, qu'elle avait des amis quelque part dans cette ville, non il ne savait rien. Il réalisa alors qu'ils n'avaient jamais parler d'autre chose que des expériences que Galloway faisait sur eux. Jamais. Sortie de ce lieu, Nell n'était plus la même petite fille en détresse, intelligente et contrainte de faire ce qu'on lui demandait. Elle semblait prête, désormais, à libérer toute la colère qui s'était accumulé en elle, et Lucas pensa qu'il allait en faire les frais... Mais peut-être avait-il faux sur toute la ligne, il n'en savait rien. Il lui parla d'un ton calme, qui exprimait parfaitement son ignorance.

« Je n'en savais rien crois-moi... Comment ce type nous a trouvé, comment il savait, tu peux me dire comment j'aurais fait pour le lui dire ? Je ne suis pas télépathe. »

Mike les observa un instant, ne disant pas un seul mot. Il aurait pu leur expliquer, mais il attendit simplement que Nell décide si elle voulait rester où non. De toute façon, il saurait où elle était passée et si elle risquait quoi que ce soit.

Nell ouvrit la porte et mit un pas dehors. Une bouffée d'air frais lui ébouriffa les cheveux. En un sens, elle aimait bien le vent, rester enfermée l'avait empêchée de retrouver cette sensation. Qu'allait-elle faire si elle sortait ? Elle se retourna en entendant Lucas qui essayait de se justifier. Non, il n'était pas télépathe ... Alors comment cela se faisait-il que l'autre eut été au courant de leur évasion ? Il n'avait pas campé là jusqu'à leur sortie ! Elle élimina de suite les militaires, il était impossible d'envisager une certaine tactique de leur part. Si on avait envoyé quelqu'un pour les chercher dans le but de les capturer encore... Non, cela n'aurait pas pu se dérouler ainsi, il y aurait forcément eu une mesure prise pour éviter de les laisser s'échapper. Or là, elle allait partir. Peut-être qu'en traversant la rue et en partant quelque part elle allait avoir des ennuis. Elle n'y croyait pas. Mais si ... Ce type, ce Mike Ferrel ! Lucas n'était pas télépathe mais il aurait pu le contacter si l'autre l'était. On lui mentait encore ?

"Tu n'es pas télépathe, certes. Lui l'est peut-être ? Sinon, comment aurais-tu pu lui dire qu'on partait ? Arrête de dire que tu ne sais rien. Tout le monde me prend pour une idiote, je ne le suis pas ! Je m'en vais. Je suis heureuse de t'avoir connu, Lucas, durant quelques jours tu m'as donné l'impression que quelqu'un pouvait enfin me comprendre."

Elle referma doucement la porte d'entrée derrière elle, puis elle avança. Doucement, l'estomac noué, elle avait envie de pleurer. Que faisait-elle dans ce monde d'hypocrites ? Elle n'arrivait pas à le croire ... Pourquoi était-il comme tout le monde à considérer qu'elle n'était qu'une enfant ? Non la question était plutôt : comment avait-elle pu croire, lui faire confiance, alors qui était comme tous les autres ? Elle s'assit sur le bord du trottoir et commença à sangloter. Ce n'était pas son genre de s'afficher ainsi et ne le supporterait pas si quelqu'un s'arrêtait pour lui dire n'importe quoi, mais elle n'aurait pas pu tenir plus longtemps à conserver ses larmes au fond d'elle. Elle était dégoutée et déprimée, perdue aussi. Elle s'était trouvée un ami, un frère, mais non... Tout était illusoire. Elle s'était trompée, elle avait fait une erreur, une grosse erreur. Elle en avait le coeur brisé. Elle continua à pleurer.

*Je ne suis peut-être qu'une gamine, pour chouiner comme ça ... *

Elle soupira et essuya ses larmes, mais elle n'arrivait pas à se relever. Elle croisa ses bras sur ses genoux et enfonça sa tête dedans. Peut-être qu'elle allait trouver quelqu'un d'endormi et s'échapper dans son rêve. Non. Elle ne pourrait pas vivre éternellement dans l'irréalité, il fallait plutôt réfléchir à une solution : où dormir pour commencer.

Lucas, incrédule, ne comprit pas tout de suite que Nell était convaincue de son implication dans cette affaire, malgré le fait qu'il lui affirmait le contraire. Il aurait cru que la jeune fille lui ferait confiance, car jamais il ne lui avait effleuré l'esprit de lui mentir. S'il avait su que Mike serait là à la sortie, il le lui aurait dit. Pourquoi aurait-il garder cela pour lui ? Lui avait confiance en Nell. Mais visiblement, ce n'était pas réciproque. Il la laissa sortir, sentant ses mouvements lents à refermer la porte derrière elle, et s'éloigner peu à peu. Il la sentait encore assez proche dans la rue lorsqu'il esquissa un geste pour aller la rejoindre, mais il se fit intercepter.

« Laisse la. Je pense qu'elle n'a pas particulièrement envie que tu lui dises tout ce que tu penses maintenant. Et puis... après ce que vous avez vécu, je pense qu'elle a besoin d'être un peu seul. Suis moi, ne t'en fais pas je saurais si jamais elle risque quelque chose. »

Mike posa sa main sur l'épaule de Lucas, l'invitant à se détendre. Pour la première fois depuis longtemps, ce n'était pas à la prochaine fois que Galloway allait arrivé que Lucas pensait. Bien que ses pensées étaient encore une fois tournées vers Nell, il tâcha de se détacher quelque peu de la situation, songeant que cette homme avait raison. Après plusieurs mois de captivité passé ensemble, du moins c'était l'impression qu'il avait après un mois seulement, il comprenait ce que Mike lui disait, en disant qu'elle avait sans doute besoin de rester un peu seul. Et puis il se doutait aussi qu'il avait servit d'exutoire à la colère de Nell.

C'est résigné qu'il suivit Mike dans une sorte de salon, où il s'assit. L'homme lui apporta de quoi manger et boire, et s'assit un instant en face. Le silence était pesant, Lucas n'avait pas très faim. Son appétit semblait coupé par l'absence de Nell. Finalement, Mike se leva, et se tourna vers le jeune homme.

« Reste là, je vais voir comment elle va. »

Et il sortit de la pièce, laissant Lucas seul avec lui même. Celui-ci laissa retomber sa tête en arrière, non peu content de se trouver assis dans un canapé confortable, comparé à tout ce qu'il avait connu là-bas.



Mike ouvrit la porte doucement, et la referma derrière lui. Cela devait bien faire dix minutes que la mutante était sortie en les laissant, et pourtant elle n'avait pas bougé. Elle se trouvait encore assise là, plus loin dans la rue, la tête dans les genoux, à pleurer.

« Il ne t'a pas menti. »

Ce fut tout ce qu'il dit, attendant que sa phrase fasse son effet et résonne dans les oreilles de Nell. Si elle ne voulait pas comprendre une phrase si simple, alors rien n'y ferait, si ne n'est le temps. Il s'adossa au mur juste à côté d'elle, en restant debout.

Mike observa Nell, l'air grave et sérieux figeant ses traits pourtant si amicaux. La réaction de Nell ne fut pas celle à laquelle il s'était attendu, bien qu'il n'en fut cependant pas surpris outre mesure. Une telle violence dans le ton de cette jeune fille était la preuve des temps difficiles qu'elle avait dû traverser sans avoir le droit de s'en plaindre et désormais, le temps était venu de relâcher cette pression si longtemps accumulée.

« Très bien. Je vais vous laisser alors, puisque tu sembles accepter de lui parler. Mais ce que je t'ai dit à l'instant, il s'agit bien de la vérité. Je suis comme vous et tu es bien placé pour comprendre que certaines choses ne peuvent trouver d'explication plausible. »

Il se redressa, jeta un coup d'oeil au bout de la rue, et se retourna afin de rejoindre la maison dans laquelle Lucas attendait, anxieux. Il ouvrit la porte de la maison lorsqu'il sentit la présence de Mike non loin, revenant vers lui. Lucas croisa Mike sans un mot, les yeux à demi clos. De toute façon, il ne lui servait à rien de les garder ouverts, et ses lunettes de soleil avaient disparu depuis bien longtemps déjà. Il faudrait qu'il s'en trouve d'autre... pour un retour à une vie normale.

Arrivant devant Nell, il resta debout devant elle un instant, attendant une quelconque remarque de la jeune fille. Il ne savait pas s'il avait réellement envie de s'expliquer. Il pensait que Nell lui aurait fait confiance, pourtant ce n'était pas le cas. Elle lui avait tout mis sur le dos, sans même lui laisser le temps de s'expliquer. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir.

« Qu'est-ce qu'il t'a dit ? »

Ces mots mirent un moment avant de réussir à sortir, et c'était visiblement tout ce qu'il était parvenu à trouver, afin d'engager la conversation.

Lucas attendit patiemment que Nell réponde, même s'il ne s'attendait qu'à un 'rien'. La jeune fille accepterait-elle de lui parler maintenant ? D'après Mike, oui, d'après lui, pas sur.. Elle avait paru si en colère peu de temps avant, qu'il n'avait même pas pu la suivre à l'extérieur, pensant qu'elle avait besoin d'être seul, comme le lui avait conseillé Mike. Il savait beaucoup de chose, ce Mike. Pourtant, sa phrase bateau eu plus que l'effet escompté de relancer la conversation. En effet la jeune fille parla, pour la première fois, à cœur complètement ouvert. Seulement, il ne s'y était pas préparé, il ne savait pas quoi dire. Se réfugiant un instant dans le silence, il ne pu s'empêcher de sourire doucement.

Cette jeune fille était déjà bien mature pour son âge, et tout ce qu'elle avait connu lui avait donné assez d'expérience pour savoir que rien n'était facile. Pourtant, il lui trouvait encore une certaine naïveté, celle d'une enfant qui pourtant essaie de montrer qu'elle ne l'est pas. Celle de croire qu'il ne lui pardonnerait pas. Mais après tout ce qu'elle venait de lui dire, c'était impossible, sans compter sur le fait qu'il estimait qu'elle n'avait rien à se faire pardonner auprès de lui. Il était normal qu'elle craque, qu'elle s'énerve, tandis que la pression retombait, il le savait mieux que quiconque, il en avait envie également, bien qu'il ne le fit pas. Sans doute son tempérament d'ordinaire si calme et posé qui lui donnait la force de tenir encore.

Lorsqu'elle termina sa phrase, il se baissa pour être à son niveau et la pris dans ses bras, avant qu'elle n'ait l'idée de s'enfuir. Déjà qu'elle détournait le regard, il le sentait, il sentait ses yeux fuyant tourné dans toutes les directions autres que la sienne, ils sentaient sa nervosité accrue à chaque mots qu'elle prononçait.

« C'est bon, t'en fais pas. Je ne t'ai pas menti, et je ne veux pas te mentir. Et ce n'est pas la peine de changer pour moi. Tu sais... moi aussi. Moi aussi je t'aime, comme une petite sœur, et j'espère juste qu'on va pouvoir s'en sortir, maintenant que s'en est fini avec eux. Passer à autre chose. »

Lucas avait hésité un peu avant de prononcer ces mots, gêné, ne l'ayant dit que rarement auparavant. Il se recula légèrement, comme l'aurait fait quelqu'un voulant la regarder dans les yeux. Sauf qu'il ne la voyait pas, son regard était tourné vers le bas, dans le vide. Avant, il arrivait à faire comme s'il regardait une personne dans les yeux, seulement il ne l'avait pas fait depuis longtemps, et n'essayait d'ailleurs pas en cet instant précis.

L'attente lui semblait interminable, le silence insoutenable, l'angoisse qu'elle éprouvait grandissait au fur et à mesure que les secondes qui semblaient des heures s'écoulaient. Puis Lucas sourit. Puis Lucas la prit dans ses bras. Elle souffla doucement, mais longtemps, dans son souffle tout son malaise s'échappait, elle était soulagée, libérée. Sentir qu'elle n'était plus seule la rassura pour une fois et les paroles de son grand-frère se gravèrent dans sa tête et maintenant elle y pensait encore et encore. Elle l'entendait prononcer ces mots, elle entendait sa voix en elle, apaisée, mais ayant une forte envie de pleurer, elle resta un moment à l'observer alors qu'il s'était un peu éloigné. Il avait les yeux dirigés vers le sol, mais ne semblait même pas le regarder, ce qui était normal, peut-être que plusieurs personnes auraient été perturbées de cette attitude, mais Nell avait tellement été habituée à ne pas être remarquée qu'elle ne cherchait pas les regards des autres. Elle ne savait pas quoi dire, elle tenta plusieurs fois de prononcer quelque chose, mais même si un son avait pu sortir de sa bouche, elle n'aurait pas su quels mots il aurait fallu prononcer. Alors elle fit ce qu'elle faisait toujours : elle se laissa pleurer et mit le plus de cheveux devant son visage ... Par habitude. Cette fois c'était des larmes de soulagement, elle fit un pas vers Lucas et leva les yeux vers son visage.

"Tu vas rester chez Lui ? Tu.................. tu..... n'as pas une famille ? Des amis ? Une petite-amie .... ou un petit-ami ?..... Une maison au moins ?"

Elle avait hésité à demander cela, il fallait qu'elle se l'avoue : elle ne connaissait rien de Lucas, elle ne voulait pas prendre le risque de le blesser, d'autant plus qu'elle-même n'aurait pas apprécié de répondre à ces questions. Tout simplement car elle n'avait pas tout ça elle, ou qu'il lui était impossible de les voir, et qu'il n'était pas exclu que Lucas fut dans la même situation, même si elle avait tendance à penser qu'elle était bien perdue et elle ne souhaitait à personne de vivre la même chose. Cette fois ce fut elle qui le prit dans ses bras, elle voulait montrer qu'elle n'avait pas voulu lui faire de peine. De toute façon, maintenant qu'elle l'avait lui, elle n'avait plus à être triste, plus de Magda et son Julian, plus de sa mère hystérique, plus de son père avec sa collègue ... Elle regrettait juste Tom. D'ailleurs, il était fort probable qu'il fut retourné à New-York, mais il devait déjà l'avoir oubliée. Elle soupira et versa ses dernières larmes dans ses cheveux et dans le tee-shirt de Lucas, puis elle se calma et respira tranquillement. Elle commençait à avoir une grosse migraine et à se sentir fatiguée, mais il n'était pas question de le montrer. Elle chuchota à son grand-frère :

"Je ne veux pas aller dans Sa maison, je ne Lui fais pas confiance...T'en fais pas pour moi, je peux me débrouiller seule si tu veux rester là."